Standing In The Way of Control [PV Ivy]

No, and I can smell her on you everywhere
No, baby, I can not forget

Un quart de seconde. C'est tout à fait ça. Un quart de seconde, soit 15 millisecondes. Très rapide. Un quart de seconde, soit 15 millisecondes c'est exactement le temps de retard qu'avait la guitare de Gabriel sur le fond sonore du CD. C'est très rapide. Seulement, un quart de seconde multiplié par le nombre de seconde contenues dans la chanson, cela faisait 27 secondes de retard sur l'ensemble. Enorme. Pour un musicien.

*Fuck ! Qu'est-ce qui cloche chez moi !*

Gabriel jeta violemment la télécommande de la chaîne Hi-Fi sur son mini-amplificateur de voyage Marshall qu'il avait installé dans la chambre commune qu'il partagait avec ses amis au lycée. Le projectile toucha sa cible mais l'appareil éléctrique ne bougea pas. Le jeune guitariste du groupe le plus connus de Grande-Bretagne était excédé. Empli de violence, il se leva du lit où il s'était assis et éteignit sa chaîne d'un coup de poing rageur qui fît sauter le disque avant de couper définitivement la musique. Gabriel débrancha sa guitare et donna un coup de pied dans l'ampli et sortit de sa chambre. Le lieu de cohabitation des Rock 'n' Love était situé dans un batîment, légérement à l'écart du lycée et des salles de cours. Leur chambre, la n°1, juste avant la n°2 était celle située le plus loin de la sortie de l'internat. Aussi, il fallut que le jeune homme traverse le couloir en entier, descende les escaliers et entre dans les toilettes des hommes . Arrivé à destination, il vérifia que personne n'était dans les environs et hurla. Un cri perca le silence de la pièce. Un cri délivrant, libérateur de tout l'enérvement et la rage de Jason, musicien de renom pour la plupart des adolescents et des adultes d'Angleterre, et de Gabriel Upton, étudiant modeste et simple pour tout les gens qui le connaissent. Au début de l'aventure Rock 'n' Love, Gabriel avait éprouvé beaucoup de peine à assumer sa double identité et tout ce que cela entrainait. Cela faisait près de deux années complètes que le groupe éxistait et il n'avait jamais baissé au Top 50. Deux années que Gabriel se retenait de hurler qu'il était un des membres de ce groupe. Deux années qu'il portait des masques sur scène, pendant les séances photos. Deux longues et pénibles années que lui et ses pairs devaient eviter les journalistes et les paparazzi postés à l'entrée du studio, à la sortie des concerts, lors des conférences de presse, les interviews. Two fuckin' years that Gabriel evacuated in a few seconds time. Il se dirigea vers un lavabo. Le reflet montrait un jeune homme fatigué, le visage tiré et les traits sombres. Ses cheveux retombait en mèches sur son front et ses yeux. Un larme perla au coin de l'oeil droit du musicien. Il pensa à Heaven, à Emma, à Ivy et à James. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu James. Quelques jours au moins. La larme suivit son chemin jusqu'à l'extrémité du menton de Gabriel pour s'écraser dans le lavabo. Les choses suivirent ensuite leur cour naturel : une autre larme, puis une autre puis encore une autre, jusqu'à ce que le jeune homme ne puisse plus les compter. Il essaya quelques minutes d'étouffer ses sanglots mais la rage eût raison de lui. Il pleura encore et encore.

Erin… Erin… Ce nom résonnait encore dans ses oreilles après être rentrée dans la voiture aux vitres fumées devant le studio d’enregistrement. Erin avait passé deux heures au studio pour enregistrer une chanson avec Heaven. Les autres membres du groupes n’étaient pas venus, ce n’était qu’un entraînement, le véritable enregistrement aurait lieu le samedi suivant avec les rock ‘n’ Love au complet. Le visage de la jeune fille était si maquillé que même à Londres les passants se seraient retourné sur son passage. Ses yeux étaient encadrés de khol et des étoiles dansaient autours de ses cils. Personne n’aurait pu se douter qu’elle était en réalité Ivy Spencer, sauf bien sûr si cette personne avait détaillé son visage avec minutie.

La petite troupe de fan devant la sortie du studio scandait toujours le nom de la chanteuse pendant que la voiture noire tentait de quitter la petite ruelle. Elle finit par y arriver et s’engagea dans une grande avenue où la foule était si dense que les groupies perdirent rapidement de vue la BMW. Celle ci fila pendant un quart d’heure dans la capitale, tournant au hasard sans but précis. Pendant ce temps là Ivy se démaquillait avec les produits que contenait son sac et se changeait également avec les habits que lui avait ramené le chauffeur. Elle enfila donc un T-shirt manche longue noir, un peu décolleté, un jean slim et enfin des chaussure à talon également noires. La jeune chanteuse ressemblait maintenant à n’importe quelle lycéenne Anglaise.

La voiture finie par se stopper dans une rue parallèle à celle du lycée Royal Holloway. Ivy mit ses nouvelles lunettes de soleil Chanel dans ses cheveux ondulés. C’était un petit cadeaux qu’elle s’était offert avant d’aller au studio grâce à son argent de poche du mois. Elle empoigna son sac et sortie dans la rue. Un coup d’œil à droite, un coup d’œil à gauche : personne, pas une seule groupie qui l’avait suivi. La voiture noire disparue au tournant et la jeune fille pris la direction du lycée. C’était toujours très handicapant de devoir faire pleins de détours, de se changer, de s’arrêter à 3km du lycée, juste pour garder l’anonymat. Le fait de ne pas pouvoir révéler sa véritable identité lui avait toujours pesé. La chanteuse n’avait jamais été pour se cacher derrière Erin, mais il fallait qu’elle avoue que la vie d’Ivy lui convenait plus que celle d’Erin. Le calme, la tranquillité, l’absence de paparazzis et de demande d’autographe à chaque coin de rue était un vrai plus dans sa vie d’artiste.

Au lieu de monter les marches de pierre et de rentrer directement dans le lycée, Ivy bifurqua sur un petit chemin pavé passant juste sur l’aile droite de l’établissement. Elle salua quelques connaissances au passage mais ne vit aucun de ses amies. La jeune fille arriva enfin à sa destination : l’internat du lycée, mais l’administration n’aimait pas trop ce terme, trop « vulgaire » à leur goût pour le meilleur établissement de Londres. Elle arriva donc devant « La résidence étudiante ». Il n’y avait qu’un couple en train de s’embrasser langoureusement devant la porte ainsi qu’un groupe d’étudiant assis sur l’herbe, fumant et discutant des prochains exams ou de leur dernière conquête. Ivy poussa la lourde porte de verre et s’engagea dans la couloir désert. Elle voulait prendre quelques affaires dans la chambres qu’elle partageait avec Heaven, Emma, James et Gabriel avant de partir retrouver Grace au Good Chocolate. Mais son lieu de résidence se trouvait tout au fond du couloir après l’escalier, la dernière porte à droite, la chambre numéro 1, la plus grande, celle que tout le monde voulait en arrivant au lycée. Être privilégié avait du bon tout de même.

Ses talons hauts résonnaient dans l’escalier quand elle monta jusqu’au couloir des chambres. Tout était silencieux et elle se sentait gênée de troubler la sérénité du lieu. Ivy plongeait la main dans son sac pour trouver ses clef quand un cri déchira le brouillard sans bruit et la fit sursauter. Il provenait d’une porte juste à côté de la jeune fille : les toilettes des garçons. Bien sûr elle y était déjà rentrée, avec un ami ou lors d’un délire… Même si elle savait qu’il n’y avait personne à part elle, la chanteuse jeta un coup d’œil suspicieux pour vérifier que personne ne pouvait la prendre en flagrant délit. Elle se décida enfin à rentrer… Peu être qu’un garçon avait besoin d’aide et puis il fallait bien qu’elle assouvisse sa curiosité.

D’un coup d’épaule, Ivy ouvrit la lourde porte bleu pâle, couleur habituelle des toilettes. Un garçon était penché sur un lavabo, pleurant toute les larmes de son corps et sanglotant. Une envie perverse la poussa a rire de cette vision inhabituelle mais elle n’était pas comme ça et se tût. Quand elle reconnut le malheureux elle bugua littéralement ! Elle ne s’attendait mais alors vraiment pas à ça. Le jeune homme dont les larmes salées s’écrasaient dans un rythme de plus en plus rapide n’était autre qu’un de ses plus proches amis, Gabriel Upton guitariste des Rock ‘n’ Love. Ivy ne bougeait plus, son cerveau tournait à cent à l’heure. Comment, Gaby, le plus fiable, celui qui résistait le mieux à la pression de la célébrité, pouvait craquer maintenant ? Soudain elle ne se posa plus de question et franchit la petite distance qui la séparait de son ami.

« Gaby ?… »

La jeune chanteuse posa sa main délicate sur son épaule tremblante et le retourna délicatement pour qu’ils soient face à face. Il avait une mine affreuse ! Gabriel paraissait épuisé, nerveusement et physiquement. Sa beauté naturelle avait presque disparue sous ses traits tirés. Ivy se mordit la lèvre inférieure le serra contre elle un moment. Jamais elle ne laisserait son ami dans cet état ! S’il pleurait aujourd’hui cela signifiait qu’il n’allait pas bien depuis un moment. Elle s’en voulait de ne pas l’avoir vu avant. La jeune fille stoppa leur étreinte et posa une main réconfortante sur la joue blanche de Gabriel.

« Qu’est ce qui se passe ? »

Gabriel n'avait jamais connu la difficulté : il n'avait jamais eût à se priver pour des raisons financières, il a toujours su se débrouiller à l'école mais là, il était question d'autre chose. Le rêve R'n'L était absolument merveilleux au début puis, petit à petit, les choses commencèrent à empirer jusqu'à aujourd'hui, dans les toilettes du lycée. Gabriel avait du mal à changer sa routine, ainsi, les concerts et tout ce qui touchait au groupe ne faisait que déranger sa vie. De temps à autres, il avait envie de tout lacher, arrêter le groupe, la musique. Mais une voix reprenait le dessus, certaines personnes appellaient ça la Hargne, la Perseverance. Gabriel pensait que c'était juste une voix, sa raison. Il avait craqué aujourd'hui et la voix n'était pas venue, rien, le vide totale, l'absence de tout. Gabriel n'entendit ni ne vit Ivy arriver et il se rendit compte de la présence de son amie lorsqu'elle éleva la voix :

- "Gaby ?…"

L'interpellé releva lentement la tête vers le miroir dans lequel il vit son propre reflet accompagné de celui d'Ivy. Le jeune homme, et Gabriel n'était pas sans le savoir mais maintenant, il semblait que le charme naturel du jeune brun s'était évaporé, avait coulé en même temps que ses larmes. Il se retourna et elle le prit dans ses bras menus et chaud. Il se laissa aller et pleura une fois de plus. Il s'essuya les yeux et Ivy se recula lentement afin de lui parler :

- "Qu’est ce qui se passe ?"

Ce qui se passait, tout les membres du groupes étaient passés par ce point : l'énérvement, le marre de tout. Il était normal que le guitariste craque à son tour, cependant, Gabriel se sentait en confiance avec Ivy, il décida donc sans se poser de question de tout lui dire :

- "C'est pas dur à comprendre ... MOI AVOIR MARRE DE ME CACHER TOUT LE TEMPS ! Sa me saoûle, sa me gonfle ! J'en peut plus ! Fuck !"

Le cœur d’Ivy se serré peu à peu, une boule se formait au profond de sa gorge et elle commença à respirer plus vite que la normale. Elle se sentait mal, sur le point de pleurer elle aussi : la jeune fille ne supportait que très difficilement de voir ses amis pleurer, et surtout Gabriel ce garçon si joyeux. La tête posé une l’épaule du garçon, elle sentait les larmes monter, mais elle se retint, pas question d’ajouter de l’humidité dans cette pièce ! Pas maintenant en tout cas… Le guitariste du groupe star se laissait complètement aller, il pleurait beaucoup, gémissait un peu, son malheur coulait doucement de ses yeux, parcourait les valons de ses joues pour venir s’écraser sur le pull noir d’Ivy.
Quand celle-ci le repoussa gentiment, gardant une main sur son épaule, comme une bouée lancée à la mer, elle essuya les larmes du revers de la main. La chanteuse sourie gentiment, un regard réconfortant englobait Gabriel de sa chaleur.

« C'est pas dur à comprendre ... MOI AVOIR MARRE DE ME CACHER TOUT LE TEMPS ! Sa me saoule, sa me gonfle ! J'en peux plus ! Fuck ! »

La boule dans la gorge d’Ivy s’agrandie encore un peu, Gabriel s’en prenait à elle, il devenait méchant et aigrie. Pas de doute : il allait vraiment mal. Elle eut envie de lui envoyer une baffe dans la figure, de lui gueuler dessus aussi pour lui faire comprendre que ce n’était pas la peine de l’engueller, elle n’y était pour rien s’ils devaient tous vivre dans un pseudo anonymat. Cela lui pesait aussi, combien de fois elle avait pleuré dans son lit, silencieusement et sous les couvertures, pour que personne ne l’entende. Combien de fois elle avait voulu se placer en plein milieu du hall du lycée pour crier à tous ces élèves médusés qu’elle était Erin, qu’elle était l’une des personnes qu’ils adulaient le plus et qu’elle en avait marre d’être dans le secret parce qu’elle était fière d’être ce qu’elle était. Pour toutes ces raisons elle ne tapa pas Gaby, elle comprenait bien trop sa douleur.
La jeune chanteuse se contenta donc juste de soupirer et de regarder le reflet de son ami, complètement défait, dans le miroir sale des toilettes pour homme. Elle esquissa un sourire, de nouveau réconfortant mais un peu amer aussi.

« Gaby… Je n’y peux rien. Regarde notre vie, c’est un gros bordel déjà alors que personne ne connaît notre secret. Imagine si les autres étaient au courant. Imagine les paparazzis, imagine les groupies, imagine les élèves du lycée ! Tu crois vraiment que ce serait plus vivable ? Je pète un câble aussi, j’en ai marre de vivre ainsi… »

La chanteuse baissa la tête, elle ne voyait plus que ses mains posées sur le lavabo voisin de celui où était accoudé Gaby. Elle inspira profondément, essayant désespérément de réprimer la même envie de crier que son ami, son presque frère. Elle serra des dents et ses phalanges devinrent blanches tellement elles serraient l’émail blanc. La jeune fille poussa envie un petit grognement et tapa du poing contre le porte savon qui laissa tomber une petite goutte de liquide rose nauséabonde. Soudain elle se sentit ridicule, venir réconforter un ami et se mettre a chialer aussi, c’était vraiment pathétique. Elle se tourna donc vers Gabriel, en observant sont reflet dans la glace.

« Dis… Ne me dis pas que c’est finit… Que tu veux arrêter. On peut pas sans toi, t’es une brique du mur, sans toi on s’effondre, sans toi je m’effondre. »

Au début de leur aventure dans le groupe, Ivy n’était pas spécialement proche de Gaby, elle l’aimait bien, c’était un ami proche. Au fil des mois, elle s’était rapprochée et maintenant le jeune homme était très important pour elle, comme tout les membres des Rock & Love. Ils étaient sa famille, elle ne pouvait se passer d’eux.